Les prémices du carnage

Deux hommes et une femme, assis dans un café.

 

FEMME 1

 

Auriez-vous par hasard l’incroyable culot,

De vouloir me faire croire qu’en votant de la sorte

Tout ira beaucoup mieux, le monde sera beau,

Et qu’aux faibles les riches prêteront donc main forte ?

 

Qu’enfin l’écologie sera votre combat,

Que vous mettrez bien fin à ce patriarcat,

Que les débats débiles demain disparaitront 

Et que –  ça va sans dire – on tuera les patrons ?

 

Ne me faites pas rire, voyez les choses en face,

Et cessez donc, voyons, d’avaler cette farce.

Buvez donc votre verre, cessez vos balivernes,

Libérez votre esprit de tous ces fumigènes.

 

Car en réalité votre vote funeste

N’a qu’un unique but : conserver vos richesses.

Vos justifications ne sont que bavardages,

Tous ces bulletins sont les prémices du carnage.

 

HOMME 1

 

Les prémices du carnage ! Rien que ça dites donc.

J’ai bien peur, chère madame, qu’il faille vous répondre,

Même si je sais qu’au fond votre coeur soviétique

Aux arguments bétons restera hermétique.

 

Je vous le dis quand même, sans faire le malin,

Mais c’est un fait, madame, je suis obstétricien.

Et lorsque j’officie, une journée ou l’autre,

Je vois des choses qui vous semblerez bien glauques.

 

Longtemps après le râle de celui qui ensuite

Par son statut de mâle des douleurs s’émancipe,

À la fin des neuf mois, un liquide l’annonce

Elles arrivent devant moi, les voilà qui s’allongent.

 

Et du col je mesure la dilatation

Le corps je le constate est prêt pour l’expulsion

Vous imaginez bien, nul besoin des images,

Ils sont là, chère madame, les prémices du carnage.

 

 

HOMME 2

 

Si vous imaginez, par un curieux prodige,

Que des chairs abîmés on n’en voit que chez vous

Votre bêtise, monsieur, me donne le vertige

Ce que je vois passer peut vous rendre jaloux.

 

Lorsque je supervise l’abattage du troupeau

Le clou de ce spectacle ? Je ne saurais vous dire.

Peut-être la saignée avec de grands couteaux,

Ou le retrait des têtes, difficile de choisir.

 

Pour les esprits plus fins il y a l’émoussage,

Ou la fente bien nette qui en fait deux carcasses

On a beau nettoyer, faire du camouflage,

De l’odeur et des cris on ne se débarasse.

 

Alors monsieur, voyez, il faut de la pudeur

Avec vos beaux bébés, vous n’aurez pas nos pleurs.

Si vous voulez connaître les prémices du carnage,

Faites un stage découverte, une journée abattage.

 

 

HOMME 1

Se levant pour partir

 

Ne confondez pas tout, votre histoire monsieur

Ne montre nul prémice, seulement le carnage

 

 

FEMME 1

 

Voilà cher camarade, vous nous l’avez vexé.

Le voici qui se lève, peut-être va-t-il voter ?

On rigole on rigole, restez donc avec nous,

À moins que vous n’ayez un coquin rendez-vous ?

 

Allez, posez vos clés ! Posez donc ce derrière !

Vous rentrerez à pied, prenez un dernier verre.

Oh si mon bon monsieur, permettez que j’insiste,

Vous seriez malheureux, vous finiriez bien triste.

 

Nul besoin d’un devin, de lire le futur,

Pour savoir qu’au moment de conduire cette voiture

Par un gouteux breuvage votre état dégradé 

Des prémices du carnage viendra sonner l’orée.

 

Et votre véhicule, monsieur, vous le savez,

Du corps d’un innocent viendra sonner le glas

Un malchanceux crédule, qui sans doute pensait

Qu’au grand jamais son sang ne se viderait là.